« Prendre sa part dans le débat public ».

Comment un chrétien fait-il pour se déterminer lors du scrutin ?

La constitution Lumen gentium dit que la conscience est un sanctuaire, mais le concile Vatican II précise aussi que la conscience, pour être droite , doit être éclairée et interpellée. A chacun de s’interroger : est-ce que mes choix se font en fidélité à l’Eglise et en cohérence avec ce qui est fondateur d’avenir pour la société ? Or, on sent bien que, d’un point de vue chrétien, la famille, la mobilisation pour les plus vulnérables ou l’Europe ne sont pas des sujets parmi d’autres.

Difficile de trouver un programme politique compatible avec tous les points d’attention soulignés par l’Eglise. Le catholique est-il condamner à voter blanc ?

L’originalité de la pensée chrétienne est d’être mue par l’espérance et la volonté de bâtir un royaume de justice et de paix. Mais une autre vertu chrétienne est d’agir en responsabilité dans un contexte donné. Or, le catholique sait bien qu’il est dans une société démocratique qui a ses propres règles de fonctionnement. Alors oui, il faut mettre les mains dans le cambouis comme on dit. Accepter le dialogue, faire preuve de tolérance, d’écoute. Sans pour autant renoncer à affirmer ce qui nous semble bien, bon et vrai.

Comment concilier cette posture du compromis avec des principes que certains textes présentent comme non négociables ?

Qu’il existe, dans la sphère chrétienne, des points non-négociables, personne ne le conteste. La dignité de la personne, par exemple, est quelque chose d’intangible. Mais la responsabilité chrétienne est de voir comment ce principe peut se mettre en œuvre dans un contexte donné. On ne nous demande pas, comme chrétiens, d’appliquer une règle mais de faire travailler notre intelligence. Dans une société très marquée par la laïcité, il nous faut montrer que ce à quoi on tient est aussi fructueux pour l’ensemble de la société. 

Un chrétien peut-il voter pour un candidat qui prône l’euthanasie ?

Nous sommes là devant un problème très sérieux…A nous de montrer au candidat socialiste, et aux Français, que cette mesure est dangereuse. Il y a encore, à mon sens, la place pour un travail de conviction. Par ailleurs, attention à ne pas se laisser enfermer dans les questions d’éthique médicale. L’éthique est aussi sociale. Je plaide pour que cette dimension soit l’objet d’un peu plus d’attention de la part des chrétiens. Les thèmes du développement et de la coopération nord-sud, de l’accueil des étrangers ne sont pas secondaires.

 

Comment manifester les réserves, voire les oppositions que peut susciter tel ou tel candidat ?

L’abstention est illusoire. Notre responsabilité s’incarne par des gestes concrets. La politique, c’est l’art du possible à un moment donné. C’est du « oui, mais » ou du « non, mais ». Ce n’est pas toujours facile, mais cela suppose aussi une certaine noblesse d’attitude. Et puis, ce n’est pas parce qu’on a des réserves que tout est terminé. Il y a un après les élections et c’est dans un engagement continu que l’on peut vraiment exercer son droit et son devoir de citoyen.