Les yeux fixés sur le but…

Parler de carême reste dans certaines mentalités penser « austérité », « efforts »…et les mots « conversion », « pénitence » semblent usés. Devant ces mines tristes, j’aime regarder les visages de ces marins, vainqueurs, de la course « Vendée Globe », partager leur joie et l’émotion du monde marin, voir sauter le bouchon de la victoire. Car ils sont tous vainqueurs.

Ils sont partis, les yeux fixés sur le but : revenir au port, connaître la joie de retrouver famille, amis, sentir l’inexprimable d’un rêve fou accompli, avoir lutté avec la mer en apprenant d’elle l’humilité, expérimenté ses propres limites, s’être découvert soi – même.

Non, le carême n’est pas une pénitence.  C’est une course sur l’océan de la vie, les yeux fixés sur Dieu, avec aux écoutes cette parole : « Revenez à moi de tout votre cœur ». Revenez, enfants prodigues, vous êtes attendus au port. Ce sont les entrailles d’un Père aimant, plein  de tendresse. Mais il faut prendre le départ de la course ; peut – être  retourner  des fois et des fois dans sa tête : « pourquoi partir ? Il y a la tempête,  la grosse mer, les nuits noires, un silence éprouvant, la solitude, les choix  à faire, les  décisions  à prendre, ceux que je laisse, la panne, c’est si long … »

Le carême est avant tout ce départ. Cette décision de revenir à Dieu. Alors, loin de se détester, il faut s’aimer, aimer son bateau, le soigner, vérifier les voiles,  son état de marche par tous les temps, étudier les cartes, prendre les vivres pour la route. Car il faut être prêt. Et partir ! Avec la volonté au plus profond de soi – même de revenir. Tant d’amour vous attend au retour. Partir, sachant que l’océan de la vie ne vous épargnera pas, être prêt à faire face à l’imprévu. Partir avec les vivres que vous donne Celui qui vous attend  au port : la  carte  « Evangile »  lue au plus près  chaque jour pour ne pas dérouter, le sacrement de pénitence qui remet debout lorsqu’on a chuté sous l’effet d’un paquet de mer, le pain eucharistique, cette force qui permet de vivre pleinement sa course et au besoin, se dérouter vers un collègue en détresse, car la mer apprend la solidarité.

Quarante jour après, ou chacun à son heure, c’est l’arrivée ! Les bras ouverts à la vie, la joie dans le cœur. On entre au port, victoire !  Pâques, un éclat dans la nuit, un feu d’artifice de lumières, une vie nouvelle. Bonheur de celui qui a risqué l’aventure, les yeux fixés sur le Ressuscité.      

                          

P. Noël

 

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