Avance au large (Lc 5,4)

Il y a peu, et peut-être encore aujourd’hui, quand on disait « mission » ou « missionnaire » on pensait tout de suite aux pays lointains (l’Inde, l’Amérique Latine, l’Afrique…) ou à ces quelques religieuses, prêtres ou pasteurs venants d’ailleurs. Certes, par habitude du parler, nous avons réduit la mission en un mouvement d’une activité missionnaire en vogue aux  XIXème siècles, la mission au loin pour la « christianisation » des «païens», un enthousiasme qui n’était pas sain d’ambition expansionniste de la chrétienté. Ce rétrécissement du sens de la mission  nous a laissé croire que la mission était une affaire de quelques uns parmi les chrétiens. Or il est clair dans les Écritures que le Christ appelle à lui pour envoyer.

Après avoir prêché la Bonne Nouvelle aux foules, Jésus lance cette invitation à Simon : « avance au large et jetez vos filets pour la pêche ». Alors stupéfait devant la quantité des poissons pris, il lui dit « désormais, ce sont les hommes que tu prendras » ; ce qui lui rappelle la parole qui lui a été dite quand Jésus l’a appelé à sa suite : «suis-moi et je ferai de toi un pêcheur d’hommes » (Matthieu 4,19).

Missionnaire, c’est ce que la rencontre du Christ a fait de chaque chrétien car la communion au mystère de sa vie est une expérience que nul ne peut taire. Cette expérience oblige de sortir de soi-même, de s’ouvrir à l’autre pour témoigner des merveilles de Dieu dans sa propre vie (1Co 9,16). Du coup, la Samaritaine ne peut plus s’empêcher d’aller dans la ville, et dire aux gens: « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait; ne serait-ce point le Christ? » (Jn 4,28). Si la foi chrétienne nait d’un appel d’amour à la vie, elle est aussi appelante à la vie. Tout chrétien devra donc écouter autrement le « allez, prêchez, et dites : le Royaume de Dieu est tout proche » (Mt10, 7), comme une invitation à laisser sa foi ou sa relation au Christ se dire dans toutes les situations qu’il rencontre autour de lui. C’est ainsi qu’il deviendra missionnaire du Christ et de son Évangile dans le sens de celui qui est à l’écoute du vécu des hommes et des femmes, de leurs souffrances et de leurs attentes existentielles. Le « avance au large » signifiera aussi « avance en eau profonde de la vie ».

La mission est donc non un simple devoir chrétien, mais elle est constitutive de l’être chrétien. Elle est selon Jean-Paul II, le signe le plus clair de la maturité de la foi. La mission se vit à la maison, au boulot et dans toutes les rencontres. Elle est une affaire de tout chrétien. Elle ne se réduit pas au service à rendre à la paroisse, à une institution, elle est un appel à l’Évangile de la vie : la « pêche » d’hommes.

Père Gervais K. Mulimu, aa